Jean-Jacques Rousseau inventeur de la sensibilité


Publié le 15/10/2012 • Modifié le 22/11/2021

Temps de lecture : 1 min.

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Si Rousseau est rationaliste, comment peut-il être tenu pour l’inventeur de la sensibilité, et, par là, précurseur du romantisme ?

les confessions

page de la première partie des Confessions, rédigée entre 1765 et 1767. M
anuscrit de Paris
© Assemblée nationale
compulser l'ensemble du manuscrit sur le site de l'Assemblée nationale.

La notion de sensibilité, sous la plume de Rousseau, est multiforme : tout ce qui en nous relève de la réceptivité est, à juste titre, appelé « sensible ». Ainsi en va-t-il du pur sentir, des émois de l’amour, de toute émotion, comme de la passion de la justice et, corrélativement, du sentiment que l’injustice est intolérable. Tout ce qui prend sa source dans l’homme sensible serait selon Rousseau, vérace, alors que les masques, convenances et rôles sociaux s’acharnent à faire taire les mouvements immédiats de l’âme et du cœur. Cette opposition traverse toute l’œuvre de Rousseau, ainsi que l’a montré Starobinski en s’efforçant de la déchiffrer tout entière, sous le signe de « la transparence et l’obstacle ». On comprend comment Rousseau a pu supposer que les hommes ont dû commencer par le chant à communiquer leurs émois, parce que le souffle porte aussitôt les émotions ; Homère fut, selon lui, sûrement un rhapsode et non un écrivain.1

L’écriture de Rousseau, quant à elle, résolument non-cérébrale, résolument consacrée à maintenir la voix d’une inspiration, se fait brasier éloquent dans tous ses essais, et musicalité fluide dans tous les moments de pure prose poétique, comme si le Rousseau musicien était toujours présent.

Accorder la priorité à la sensibilité ne signifie aucunement rejeter la rationalité : il faut répéter que, selon Rousseau, si la raison ne naît et ne se développe qu’avec le développement des passions, ces dernières, inversement, s’enrichissent et se nourrissent du développement de l’intelligence et de la raison. Mais, de même que Rousseau dénonce la sensiblerie mondaine, comme une fausse sensibilité – de même ne cesse-t-il d’attaquer une raison desséchée et raisonneuse telle qu’elle lui paraît régner chez la plupart de ses contemporains. Kant, d’ailleurs, n’aurait jamais placé dans son cabinet de travail, en guise d’unique ornement, un portrait de Rousseau, si ce dernier ne s’inscrivait pas dans le champ du rationalisme. Comment dès lors faire de l’auteur du Contrat social un précurseur du romantisme, s’il est vrai que tout un pan de celui-ci sera farouchement hostile aux idéaux de la Révolution française et effectuera, un siècle après Rousseau, un grand retour à la religion chrétienne pour chanter l’intuition mystique et les mystères transcendants ?2

1 Ces lignes font allusion à l’Essai sur l’origine des langues.

2 Ainsi n’est ce pas sans raison que Lanson écrit à propos de Chateaubriand qu’ « il a lu Voltaire, Rousseau, l’Encyclopédie : voilà d’où il tire toutes ses idées par un très simple procédé de conversion : il tourne leurs affirmations en négations et inversement. Il nie la perfectibilité (…) la bonté de l’homme, le prix de la vie ; il affirme la religion, l’impuissance de la raison, le mystère, le surnaturel. » (op. cit. p. 876)

 


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