L'histoire de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis

La lutte des Afros-Américains fut longue pour obtenir l’égalité des droits. Le mouvement des droits civiques va permettre l’inscription de l’égalité des droits dans la loi et la fin de la ségrégation.


Publié le 19/12/2012 • Modifié le 11/03/2024

Temps de lecture : 6 min.

Écrit par Photo : Le président Lyndon B.Johnson rencontre les leaders du mouvement des droits civiques à la Maison blanche le 18 janvier 1964. © Yoichi Okamoto. Source : Lyndon Baines Johnson Library and Museum

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La population noire, présente sur le sol américain avant même la naissance des États-Unis en 1776, a dû attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour sortir de sa condition d’esclavage. En 1896, l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis Plessy v. Ferguson légitime la législation raciste par la doctrine separate but equal (« séparés mais égaux »). Mais il fallut attendre le mouvement des droits civiques, entre 1955 et 1968, qui va permettre l’inscription de l’égalité des droits dans la loi et la fin de la ségrégation. Salué jusqu’au-delà des frontières comme une victoire pour les droits humains fondamentaux, ce mouvement est profondément ancré dans l’histoire américaine.

De l'esclavage au mouvement des droits civiques

Quand les ex-colonies britanniques prennent leur indépendance et créent les États-Unis d’Amérique, la question de l'esclavage devient vite un point de fracture entre les États du Sud et ceux du Nord. Pour les premiers, l’esclavage est considéré comme la solution au besoin de main-d’œuvre dans la culture du coton et participe à l’établissement d’un mode de vie sudiste, bien éloigné de celui du nord plus industriel. Sur cette fracture, dans un pays où le gouvernement fédéral a ses pouvoirs limités par ceux des États qui le constituent, éclate la guerre de Sécession en 1861 : 11 États du sud font sécession des États-Unis dont le président nouvellement élu, Abraham Lincoln, républicain et nordiste, est un partisan de l’abolition de l’esclavage. L’Union, constituée des États du Nord et frontaliers, en sort vainqueur en 1865. Trois amendements à la Constitution américaine, dits amendements de la Reconstruction, sont adoptés pour sortir les Noirs de leur condition :

  • abolition de l’esclavage (13e amendement)
  • reconnaissance de la citoyenneté et égale protection de la loi (14amendement)
  • droit de vote à tout citoyen américain (15amendement)

La reconnaissance des Afros-Américains semble en marche : une quinzaine, issus des États sudistes, se font élire au congrès fédéral. Mais en 1877, à la suite d’un marchandage politique à la Présidentielle, les dernières troupes fédérales se retirent des États du Sud. Dès lors, ceux-ci adoptent des législations défavorables aux Afro-Américains, les Black Codes, et des lois ségrégationnistes imposant la séparation des races dans nombre de domaines de la vie quotidienne (bus, restaurants, écoles, etc.), baptisées lois « Jim Crow », du nom d’un spectacle avec des acteurs blancs grimés. La Cour Suprême les légitime en arguant que la Constitution interdit la discrimination de la part des États mais non les actes individuels de discrimination. Les Afro-Américains sont régulièrement victimes de violences et d’intimidation, notamment de la part du Ku Klux Klan.

Au début du XXe siècle, le mouvement nationaliste noir de Marcus Gravey connait un grand succès, mais c’est le combat de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People), créée en 1909, se plaçant sur le terrain juridique, qui se révèle payant et prépare le terrain au mouvement des droits civiques. Soutien aux procès d’Afro-Américains, lutte contre les mesures les empêchant de fait d’exercer leur droit de vote, contre la pratique du lynchage. La NAACP est à l’origine de l’affaire Brown v. Board of Education portée devant la Cour suprême, qui juge en 1954, inconstitutionnelle la ségrégation dans les écoles élémentaires subventionnées par l’État. Le mouvement des droits civiques est lancé.

La conquête des droits civiques

Si la Cour suprême des Etats-Unis déclare anticonstitutionnelle la ségrégation raciale dans les écoles du pays, pour la communauté noire, il est essentiel d'aller plus loin. Un événement va être le déclencheur d'un mouvement mené par la pasteur Martin Luther King. Une lutte qui durera 10 ans jusqu'à à la signature de la loi sur les droits civiques (Civils Rights Acts), en 1964. 

Rosa Parks, la femme qui dit non 

Le 1er décembre 1955, à Montgomery, dans l'Alabama, une couturière noire, Rosa Parks, est arrêtée et condamnée pour avoir refusé de céder sa place à un Blanc dans l'autobus. Emue, la population noire réagit et lance, sous l'impulsion de Martin Luther King, le mouvement de boycott des bus : pendant un peu plus d'un an, elle circule à pied ou met en place ses propres moyens de transport.

Les actions non-violentes se succèdent et prennent diverses formes :  occupations pacifiques (sit-in) dans les lieux interdits aux Noirs, voyages dans les bus pour défier les ségrégationnistes (Freedom ride), mouvement pour favoriser l’inscription des Noirs sur les listes électorales (Freedom summer)...

La marche non-violente sur Washington

Le 28 août 1963, la marche sur Washington pour l’emploi et la liberté est le point d’orgue du mouvement non-violent pour les droits civiques des Noirs. Plus de 200 000 personnes, dont 80 % d’Afro-Américains, répondent alors à l’appel de grands leaders des droits civiques. Martin Luther King y prononce son célèbre discours I Have a Dream (« Je fais le rêve qu’un jour, jusqu’au fin fond de la Géorgie, du Mississippi et de l’Alabama, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront vivre ensemble comme des frères. »)

Bien que le mouvement soit non-violent, la déségrégation a été émaillée de violences jusqu’à son application effective sur l’ensemble du territoire à la fin des années 1960. 

Le radicalisme du Black Power

L’expression Black Power (le « Pouvoir Noir ») a émergé lors du mouvement des droits civiques, comme une affirmation de l’identité noire, préalable à toute éventuelle intégration à une société dominée par le « pouvoir blanc ».

Le SNCC (Student Non violent Coordinating Committee), né en 1960 lors d'assemblées d’étudiants en Caroline du Nord, rallie de nombreux jeunes supporters dans le Nord et lève des fonds pour appuyer les actions du mouvement des droits civiques dans le sud. En 1966, le SNCC se radicalise sous l’influence de son nouveau président, Stokeley Carmichael. Plutôt que de poursuivre des actions puissantes de désobéissance civile comme les marches ou les sit-ins, Carmichael revendique le Black Power lors de la marche contre la peur dans le Mississippi en 1966 : fini de répondre à la violence par la non-violence, rejetées les valeurs de la société américaine, « le peuple noir de ce pays doit s’unir, reconnaitre son héritage et bâtir sa communauté ».

Le Black Power n’est pas un mouvement structuré mais un concept auquel se rattachent de nombreux mouvements radicaux, comme la NOI (Nation of Islam) ou le Black Panther Party.

  • LaNOI, dirigée par Elijah Muhammad, se fonde sur une interprétation libre et très éloignée de la religion musulmane : les noirs constituent les êtres humains originaux et en attendant qu’ils reprennent le pouvoir sur les blancs, la noi préconise une nation indépendante pour les noirs américains. le mouvement se développe dans les ghettos noirs des grandes villes du nord et de l’ouest. la figure emblématique de la noi est Malcom X jusqu’à ce qu’il en démissionne en 1964 et crèe son propre mouvement.
  • En 1966, deux activistes noirs de Californie crèent le Black Panther Party, un mélange de programmes d’aides aux plus démunis et de militantisme violent comme le filage, armes à la main, de policiers soupçonnés de harceler les noirs. Il connaît son moment de gloire aux Jeux Olympiques de 1968, lorsque deux athlètes noirs, médaillés sur le podium, lèvent le poing en l’air, le signe de ralliement des Black Panthers pour dire Power to the People (le pouvoir au peuple).

L'égalité inscrite dans la loi : le Civil Rights de 1964

L’action devant la justice et l’évolution de la position de la Cour Suprême des États-Unis d’une part, l’ampleur du mouvement de droits civiques non violent mais souvent confronté à la violence d’autre part, ont poussé le pouvoir fédéral, le Président et le Congrès des États-Unis, à réagir et modifier la législation.

Le président a fait de la déségrégation l’un de ses combats. En 1961, lors de l’inscription pour la première fois d’un étudiant noir à l’université d’Etat du Mississippi, Robert Kennedy, frère du président et ministre de la justice, envoie 23 000 agents fédéraux contre les manifestants à cette inscription. Le 11 juin 1963, après les manifestations anti-ségrégationnistes et les émeutes raciales de Birmingham, le président adresse un discours à la Nation : « l’ampleur qu’ont pris les événements à Birmingham et ailleurs est un appel à l’égalité ; aucune ville ou État ou corps législatif ne peuvent les ignorer ». Il apporte son soutien à Martin Luther King et le rencontre lors de la marche sur Washington. Son administration prépare les textes législatifs sur l’égalité des droits. Assassiné le 22 novembre 1963, ce sera son successeur Lyndon B. Johnson qui réussira à les faire voter par le Congrès des États-Unis.

A l’issue de plusieurs mois de bataille parlementaire, la chambre des représentants vote le projet de loi sur l’égalité des droits par 290 voix contre 130. Au Sénat, la manœuvre d’obstruction dure 57 jours. Le 2 juillet 1964, Lyndon B. Johnson peut enfin la signer et la rendre applicable. Le Civil Rights Act  de 1964 déclare illégale la discrimination reposant sur la race, la couleur, la religion, le sexe, ou l’origine. Il sera suivi, en 1965, du Voting Rights Act qui supprime toutes les restrictions au droit de vote (tests, taxes,…).Ces lois, avec leur arsenal de mesures dont le recours à l’Attorney général (procureur fédéral), vont permettre de concrétiser les principes inscrits dans la Constitution américaine depuis la fin de la guerre de Sécession.

L'intégration active

C’est dans le mouvement des droits civiques aux États-Unis que sont nées les politiques de discrimination positive et les opérations de testing, appliquées encore aujourd’hui dans de nombreux pays. 

En 1961, le président John F. Kennedy signe un décret sur l’affirmative action (discrimination positive) obligeant les programmes financés par le gouvernement fédéral à prendre des mesures contre la discrimination raciale à l’embauche. La mesure est élargie sous la présidence de Johnson, qui signe en 1965 un décret sur l’Equal Opportunity Employment(égalité des chances dans l'emploi) visant les entreprises de travaux publics dans leur politique d’embauche. Parallèlement, dans le sillage des organisations militantes, les premières opérations de testing voient le jour, comme en 1966 à Chicago où des testing sont réalisés par des couples noirs ou blancs qui dévoilent les pratiques discriminatoires de sociétés immobilières.

L'Office of Federal Contract Compliance Programs, créé par le président Johnson, est aujourd’hui toujours actif et veille au respect de l’égalité et de la discrimination positive à l’embauche dans toutes les entreprises travaillant avec le gouvernement américain. L’efficacité de la discrimination positive reste débattue aux Etats-Unis, où elle s’étend à l’ensemble des minorités ethniques (afro-américains, amérindiens, asio-américains, …) et à d’autres domaines que les emplois liés aux programmes fédéraux. Elle vise à promouvoir la représentation des minorités ethniques dans les emplois qualifiés, les médias, les universités, etc. Elle a obtenu des résultats concrets en permettant notamment un plus grand accès aux universités des étudiants issus des minorités.

Mais elle a été remise en cause dès la fin des années 1970.  Dans son arrêt de 1978, Regents of the University of California versus Bakke , la Cour suprême déclare conforme à la Constitution l’utilisation du critère de « race » dans la sélection à l’admission dans les universités, mais anticonstitutionnel l’institution de quotas rigides. La Cour suprême a franchi un pas supplémentaire dans un arrêt rendu le 28 juin 2007 à une courte majorité : les écoles publiques ne peuvent utiliser la discrimination positive pour garantir la mixité raciale dans leur établissement.


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