Bonaparte et la campagne d’Egypte (1798-1801)


Publié le 18/04/2013 • Modifié le 19/09/2023

Temps de lecture : 4 min.

Écrit par Jean-Marcel Humbert © Institut du Monde Arabe - 2008

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En 1798, le Directoire décide secrètement de mener une campagne militaire en Égypte et d’en confier la direction à Bonaparte, jeune et déjà célèbre général de 29 ans. Il s’agit tout autant d’éloigner cet ambitieux fort encombrant que de chasser les Anglais d’Orient. Une armée de plus de 35 000 hommes est réunie.

Une opération militaire

Après avoir échappé à la flotte anglaise de l’amiral Nelson, Bonaparte et ses troupes s’emparent d’Alexandrie le 1er juillet 1798. « Gloire au sultan, malédiction aux Mamelouks et bonheur au peuple d’Égypte » proclame aussitôt le général, qui souhaite se présenter en libérateur et non en conquérant, et précise qu’il respectera le Coran.

Débute une série de grands affrontements, avec la victoire des Pyramides, remportée le 21 juillet 1798 sur les Mamelouks. C’est là que Bonaparte aurait lancé sa fameuse apostrophe : « Soldats, du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent ! » Mais, quelques jours plus tard, Nelson détruit toute la flotte française dans la baie d’Aboukir. À deux reprises, les habitants du Caire se révoltent : l’insurrection est noyée dans le sang. Une partie des troupes poursuit les Mamelouks en Haute Égypte, tandis qu’une campagne en Syrie se termine, malgré quelques victoires, en défaite. La victoire d’Aboukir (1799) contre les Turcs laisse un temps espérer un retournement, mais la situation est désespérée.

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Parmi les nombreuses raisons de cet échec figurent les difficiles conditions de vie des soldats : chaleur et poussière étouffantes, uniformes peu adaptés, manque de nourriture… La peste et la dysenterie paralysent les troupes, le moral faiblit.

De son côté, Bonaparte administre le pays en s’appuyant sur les hauts dignitaires autochtones, qu’il réunit dans des diwans. Mais il finit par comprendre que, tant du point de vue militaire que politique, la situation est sans issue : dans la nuit du 22 août 1799, il quitte discrètement le pays pour rentrer en France. Le général Kléber, à qui il a confié le commandement de l’armée, remporte à Héliopolis une dernière victoire sur les Turcs, avant d’être assassiné. Le général Menou, qui prend sa suite, est finalement contraint de capituler, le 2 septembre 1801. C’est la fin du rêve oriental de Bonaparte. 

Une campagne napoléonienne magnifiée

Dès les premières années du XIXe siècle, nombre d’artistes reçoivent des commandes de l’État afin de traduire sur la toile les grands faits d’armes de l’expédition. La peinture dite « officielle » se doit de traduire la volonté politique et le prestige de la France, en même temps que les rêves de gloire cherchés par Bonaparte au pays des pharaons.

Sous l’Empire, le militaire prime et les tableaux représentent essentiellement des scènes de batailles : Antoine-Jean Gros, Louis-François Lejeune et Anne-Louis Girodet-Trioson, entre autres, peignent donc les grandes victoires, celle des Pyramides, d'Aboukir ou encore du Mont Thabor, mais aussi des scènes plus originales comme La Révolte du Caire, ou Bonaparte pardonnant aux révoltés du Caire. Jean-Charles Tardieu, de son côté, exploite un aspect plus paisible avec sa Halte de l’armée à Syène, tandis que Jean-Simon Berthélemy représente la Visite de Bonaparte aux fontaines de Moïse. Quant au côté « royal » du nouvel empereur, il est souligné, en 1804, par le Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa peint par Gros : comme les rois touchaient les écrouelles, étant sensés les guérir, Bonaparte circule au milieu des malades, leur apportant réconfort et solidarité.

Une armée de scientifiques

L’expédition militaire s’est certes accompagnée de tueries effroyables et d’exactions en tout genre. Mais en même temps, elle a permis des études innombrables, dans tous les domaines des sciences et des arts. Car Bonaparte a demandé qu’un nombre de savants tout à fait inhabituel — près de 170 — accompagne l’armée.

Dès le débarquement, voici donc ces soldats d’un nouveau genre, les meilleurs dans leur branche en dépit de leur jeune âge, qui se mettent à étudier l’artisanat et l’agriculture, à collecter plantes, animaux ou roches et à dessiner, dans un inconfort permanent, instruments de musique, maisons, mosquées ou antiquités pharaoniques. Dominique-Vivant Denon dira combien il était heureux de trouver, en guise de table à dessin, les genoux d’un soldat… Dès le 22 août 1798, Bonaparte fonde l’Institut d’Égypte, qui regroupe les plus éminents d’entre eux.

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Leur travail est également placé sous le signe des échanges. Ils ont pour charge d’améliorer le sort des Égyptiens et des troupes en travaillant à la transformation du pays. Il leur est demandé de participer aux tâches d’administration et de mise en valeur du pays. Ils expliquent et enseignent des techniques occidentales, parfois à l’aide d’expériences spectaculaires. Le chroniqueur Abd al-Rahman al-Jabarti (1754-1825) décrit dans son journal, rédigé pendant l’expédition française, une machine « dans laquelle tournait un verre et qui, par son mouvement, produisait des étincelles à l’approche d’une masse et émettait des crépitations » ; il précise que, si on la touchait, on recevait alors une secousse. Mais la démonstration d’une montgolfière s’élevant dans les airs le laisse de marbre…

Les savants recueillent également des savoir-faire locaux : la médecine les intéresse, mais aussi quantité d’autres domaines, moulins à plâtre, norias, « fours à poulet » pour faire éclore les poussins en grand nombre sans l’aide des poules, autant de techniques qui seront rapportées en France et feront l’objet de publications. Tous ceux qui ont participé à la campagne d’Égypte en seront marqués à vie. Tous demeureront pour leurs contemporains « les Égyptiens ».

Une commande impériale

Très rapidement, avant même la fin de l’expédition d’Égypte, il apparaît que les dessins et travaux des savants méritent d’être publiés. C’est le général Kléber qui en prend la décision, entérinée par Bonaparte. Celui-ci ordonne en 1802 que la publication, prévue pour être exceptionnelle, soit réalisée aux frais de l’État.

Tant par ses dimensions que par le nombre d’auteurs (quarante-trois) et de volumes, la Description de l’Égypte constitue l’ouvrage le plus monumental jamais publié : il comprend dix volumes de textes auxquels s’ajoutent dix tomes in-folio et deux recueils de très grand format totalisant 837 gravures, dont la grande majorité est imprimée en noir et quelques-unes coloriées. Edme-François Jomard, maître d’oeuvre de l’ouvrage, aura à résoudre de nombreux problèmes, parmi lesquels les retards des auteurs et la complexité de la réalisation des gravures, dont certaines mesurent plus d’un mètre.

Les cinq premiers tomes sont consacrés aux antiquités (temples, pyramides, etc.), et certaines planches sont même animées de personnages habillés à l’antique ; les deux tomes suivants décrivent l’État moderne (bâtiments, modes de vie…), avec, ici ou là, la présence de soldats de l’armée française ; les trois derniers tomes sont consacrés à l’histoire naturelle (faune, flore et minéralogie). La première édition, dite « impériale », est tirée à 1 000 exemplaires, et publiée entre 1809 et 1829. La seconde, moins luxueuse, publiée par Panckoucke de 1821 à 1830, connaît un vrai succès de librairie.

Les dimensions des deux grands volumes de gravures étaient telles qu’il était impossible de les ranger dans une bibliothèque traditionnelle. De nombreux meubles sont spécialement créés à cet effet, dont certains décorés à l’égyptienne.


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