La démocratie comme pire des régimes : selon ses détracteurs et selon ses défenseurs


Publié le 15/10/2012 • Modifié le 15/09/2021

Temps de lecture : 2 min.

Écrit par Édith Fuchs

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Pourquoi, même pour ses défenseurs, la démocratie comporterait-elle des risques inévitables ?

Les oppositions à la démocratie

La démocratie apparaît comme le pire des régimes aux antidémocrates, qu’ils confondent les libertés avec de dangereux désordres ou qu’ils voient dans les libertés individuelles autant d'incitations à l'égoïsme, mais également aux démocrates, parce que la démocratie devant tolérer ce qui s'oppose à elle, est toujours fragile.

karl marx

Karl Marx

Les détracteurs de la démocratie sont de deux sortes, en radicale opposition entre eux. En effet, d’une part, il va sans dire que toutes les espèces d’autoritarisme (qu’il s’agisse de défendre la monarchie, le fascisme, la théocratie ou toute forme dictatoriale) méprisent le peuple en le voyant comme une « populace » ou une « masse », mue par d’aveugles passions. Les préjugés contre la démocratie sont, de ce point de vue légion. Outre que le peuple serait tantôt benêt comme un enfant, ou tantôt « gros animal1 » dangereux, la démocratie serait niveleuse. Il serait scandaleux que la voix d’un génie pèse autant que celle d’un grossier prolétaire un peu ivrogne, et les mêmes droits pour tous aboutiraient à un nivellement général de tous et toutes choses vers le plus bas. Soulignons aussitôt que le préjugé du supposé nivellement par le bas, confond tout bonnement « égalité » civile avec « identité » de fait !

À ceux-là s’opposent ceux qui sont hostiles à tout Etat – ils estiment que par nature tout Etat serait répressif, simple « violence légalisée » quels que soient ses principes. Ni Etat, ni gouvernement : anarchistes, libertaires et communistes se retrouvent défenseurs de l’action démocratique directe. Il faut rappeler que la théorie communiste prône la dissolution de l’Etat dans la société – parce que, la politique ne constituerait aucunement un ordre distinct de celui de la société, Etat et domaine politique seraient donc les serviteurs de la classe dominante, laquelle se fait illusoirement passer pour défenseur de l’intérêt général – ce que tout le monde finit par croire à la faveur d’une illusion aliénante. Les libertés démocratiques seraient donc illusoires, en vertu de leur incapacité à modifier les injustices réelles : soit ils voient dans ces libertés fondamentales tout de même un grand pas, quoiqu’insuffisant, vers la liberté – c’est le cas de Marx2 – soit ils y voient un masque trompeur qui empêche de prendre conscience de l’exploitation réelle. Il s’agit en tout cas de revendiquer la « démocratie sociale » soit qu’elle complète, soit qu’elle remplace la démocratie politique (baptisée aussi « bourgeoise »).

Les fragilités de la démocratie

Même du point de vue de ses défenseurs, la démocratie comporterait des risques inévitables. Bornons-nous à la démocratie représentative : la nécessité du débat et du compromis suscite le risque de la compromission avec les ennemis de la démocratie. C’est ainsi que se développent et grandissent dans toutes les modernes démocraties des poussées fascisantes qui, à l’abri des libertés démocratiques travaillent à leur disparition. Quant à l’individualisme démocratique, il ouvre assez facilement la porte à l’égoïsme aveugle, de sorte que les individus peuvent aisément confondre les libertés civiles avec la licence, l’égalité de tous devant la loi avec l’obligation pour tous d’être et avoir identiquement – bref de confondre « droits de » avec « droit à ».

1 Cf. Platon, République, VI, 493a.

2 Ce point de vue de Marx, qui distingue entre l’émancipation politique – par la conquête des droits individuels – et l’« émancipation humaine » est très net dans À propos de la question juive. L’analyse que fait André Senik de cet ouvrage tourne totalement autour de cette distinction dans Marx, les Juifs et les droits de l’Homme (Paris, Denoël, 2011).


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