Algérie, de la colonisation à l’indépendance : chronologie

De la colonisation en 1830 aux accords d'Evian en 1962, retour sur les dates clés afin de mieux comprendre les origines et le déroulement du conflit.


Publié le 09/10/2019 • Modifié le 20/10/2023

Temps de lecture : 9 min.

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Alors que le Maroc et la Tunisie accèdent à l’indépendance par la négociation en 1956, pourquoi celle de l’Algérie fait-elle l’objet d’une guerre ? De la colonisation de l'Algérie en 1830 aux accords d'Evian, paraphés le 18 mars 1962, retour sur les dates clés afin de mieux comprendre les origines et le déroulement du conflit.

La conquête de l'Algérie

1830

Le 14 juin 1830, l'armée du roi de France, Charles X, débarque en Algérie. L'Algérie, alors dominée par l'Empire ottoman, voit ses dignitaires turcs s'effondrer. La résistance à l'invasion est le fait de représentants des groupes dominants algériens comme Abd el-Kader, vaincu en 1847. La situation en Algérie s'aggrave avec les méthodes de « pacification » employées par la France, sous la férule du gouverneur Thomas Bugeaud. Ce terme de pacification était employé pour désigner les méthodes violentes utilisées par la France pour réprimer la révolte des populations arabes et berbères en Algérie.

Parallèlement, l'occupation se poursuit : la France envoie 15 000 colons en Algérie. Ils passent de 245 000, en 1872, à 750 000, en 1914. Dès 1881, le territoire est divisé en trois départements (Alger, Oran et Constantine) directement rattachés à la France, avant d'être placé, en 1896, sous l'administration du ministère de l'Intérieur. Sujets français mais non citoyens, les Algériens n'ont pas le droit de vote aux élections de l'Assemblée nationale. Une injustice d'autant plus criante que le décret Crémieux du 24 octobre 1870 accorde aux 37 000 juifs d'Algérie la naturalisation française.

1873

La loi Warnier accélère le démembrement des propriétés tribales au profit des Européens. Le déséquilibre au sein de la population s'aggrave.

1898-1900

Les lois de 1898 et 1900 dotent l'Algérie d'une personnalité civile, d'un budget spécial et d'une assemblée élue. Cette assemblée, composée de trois collèges (colons, contribuables urbains et indigènes), donne la prépondérance aux Européens qui disposent de 48 sièges contre 21 pour les Arabes et les Kabyles. Un gouverneur général, dépendant du ministère de l'Intérieur détient tous les pouvoirs civils et militaires. Alors que la politique française n'octroie que des droits très réduits aux musulmans, les Européens d'Algérie, que l’on appelle les pieds-noirs, revendiquent plus d'autonomie par rapport à la métropole.

Un petit groupe de l’élite algérienne, qui a conscience de ces différences, réclame notamment l'égalité politique entre les Français et les Algériens. Il ne s'agit pas d'un mouvement indépendantiste mais plutôt de la recherche d'une politique d'assimilation. Le gouvernement français ne reste pas insensible à ces arguments, mais les réformes prévues sont différées par l'éclatement de la Première Guerre mondiale.

1914-1919

Pendant la Première Guerre mondiale, 173 000 militaires musulmans ont été mobilisés et 119 000 travailleurs algériens ont été rapatriés en métropole pour participer à la reconstruction du pays.

Pour récompenser cet effort, le gouvernement adopte les lois et décrets de février-mars 1919, qui accordent une représentation élue à un plus grand nombre de musulmans pour toutes les assemblées de l'Algérie (le nombre des conseillers généraux musulmans passent de 6 à 9, soit un quart du total). Cependant, l’application du dispositif est complexe et ces réformes sont jugées trop faibles par les Algériens.

1930-1946

Devant l'impossibilité d'obtenir davantage de droits, la population musulmane se radicalise. Le mouvement nationaliste s'organise et s'amplifie à partir de 1930 et se concrétisera en 1946 avec la formation de l'Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA) et du Mouvement pour le triomphe des Libertés démocratiques (MTLD).

L'élection du Front populaire en France redonne de l'espoir aux Algériens musulmans. En effet, Maurice Viollette, vice-président du Conseil, propose d'ouvrir les droits politiques aux musulmans d'Algérie : il prévoit d'étendre la plénitude de la citoyenneté française à 21 000 musulmans (sur 6 millions). Une proposition de réforme très mal perçue par les Européens d'Algérie, qui craignent la naturalisation en masse des Algériens. Le texte est finalement retiré.

En 1945, c'est la fracture. Les émeutes de Sétif et de Guelma, sanglantes répressions d'un soulèvement contre les Européens, font plusieurs dizaines de milliers de morts.

1947

Le 20 septembre 1947, le statut de l'Algérie est voté par le Parlement : l'Algérie y reste définie comme en 1900, un groupe de départements doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière. Ce statut est critiqué par le MTLD et l'UDMA et en 1953, Ferhat Abbas déclare « il n'y a plus d'autres solutions que les mitraillettes ». Dès lors, les mouvements nationalistes ne cessent d'accroître leur audience auprès de la population musulmane.

La guerre d’indépendance

1954

  • 1er novembre : la « Toussaint sanglante »

Orchestrée par les nationalistes du MTLD, l'insurrection de la Toussaint 1954 frappe surtout par la simultanéité des actions lancées contre les bâtiments civils et militaires, même si, militairement, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances de ses instigateurs. Mais les esprits sont frappés et les réactions violentes : les colons réclament une vigoureuse répression. L'armée démantèlera d'ailleurs la plupart des réseaux du FLN. Pierre Mendès France, président du Conseil, et le ministre de l'Intérieur François Mitterrand multiplient les déclarations musclées, comme l’illustre notamment la phrase de ce dernier, le 7 novembre : « L'Algérie, c'est la France ».

Cependant, conscients du malaise qui existe en Algérie, ils concluent à la nécessité de réformes et nomment Jacques Soustelle gouverneur général d'Algérie.

1955

C'est durant l'été 1955 que la guerre prend un tournant décisif. Le FLN encadre alors un soulèvement des musulmans du Constantinois les 20 et 21 août 1955, dans le but d'empêcher un rapprochement entre le gouvernement général et les nationalistes modérés. Les civils ne sont pas épargnés et on dénombre 123 morts.

Il s'ensuit une répression spontanée et sanglante des Européens. Désormais, les deux communautés sont ennemies et le processus de guerre est irréversible.

1956

  • 12 mars 1956 : les pouvoirs spéciaux

Après le départ de Jacques Soustelle en février 1956, brièvement remplacé par le général Catroux, Robert Lacoste est nommé ministre résident en Algérie et réclame des « pouvoirs spéciaux », qui lui sont accordés le 12 mars 1956 par l'Assemblée nationale.

200 000 jeunes du contingent sont rappelés, portant les effectifs à 400 000 hommes environ, chiffre qui restera maintenu jusqu'à la fin du conflit. L'armée transforme l'Algérie en une véritable province militaire et ferme les frontières avec le Maroc et la Tunisie, par où transitent les hommes et les armes à destination du FLN. Parallèlement, elle met en place une série d'actions psychologiques pour tenter de gagner l'adhésion de la population civile. Pendant ce temps, les attentats se multiplient et le FLN remporte d'incontestables succès politiques, notamment en réunissant, le 20 août 1956, un important congrès dit « de la Soummam » où le FLN définit le but de sa lutte : une république algérienne, unitaire, sociale et démocratique.

Le congrès du parti SFIO s'étant prononcé pour le cessez-le-feu, Guy Mollet, président du Conseil, procède à des contacts avec le FLN, ce qui n'est pas du goût de l'armée. Le 22 octobre 1956, un avion marocain qui transporte Ahmed Ben Bella, Boudiaf, Aït Ahmed, Khider et Mostefa Lacheraf est détourné sur l'ordre de Max Lejeune, secrétaire d'Etat aux forces Armées. Si le prestige d'Ahmed Ben Bella, leader de la résistance extérieure, est rétabli, cet enlèvement marque la fin des négociations possibles entre la France et les nationalistes.

1957

  • janvier 1957 : la « bataille d'Alger »

Le quadrillage par l'armée française du territoire algérien reste peu efficace contre le terrorisme urbain. Le général Massu se voit alors confier la responsabilité de la sécurité. C'est ainsi que débute la « bataille d'Alger » en janvier 1957 qui va durer neuf mois.

Contrôles, fouilles, arrestations et même pratique de la torture se multiplient alors pour répondre aux attentats. Si l’opération est un succès sur le plan militaire ― les réseaux du FLN sont démantelés ―, cette bataille est pourtant un échec d'un point de vue psychologique. L'intimidation et la torture conduit à une radicalisation communautaire et provoque l'hostilité des musulmans qui se rallient à la cause du FLN.

1958

  • 8 février 1958 : bombardement de Sakhiet Sidi Youssef

Les membres du FLN, traqués en Algérie, se réfugient au Maroc et en Tunisie. L'armée française, arguant du « droit de suite » bombarde alors le village tunisien de Sakhiet Sidi Youssef, base du FLN. En faisant des victimes civiles, la destruction du village provoque une vague d'indignation de la communauté internationale, déjà échaudée par l'opération contre le canal de Suez, en octobre 1956. Ce bombardement marque dès lors l'internationalisation du conflit.

  • 13 mai 1958 : la constitution d'un comité de salut public

En France, la IVe République, atteinte d'instabilité chronique, ne permet pas à ses dirigeants d'imposer une solution au conflit algérien. L’investiture de Pierre Pflimlin, favorable à des négociations avec le FLN, et désigné par le président du Conseil, donne lieu à une manifestation à Alger, le 13 mai 1958. Elle débouchera sur l'instauration d'un pouvoir insurrectionnel.

Les activistes prennent le gouvernement général et proclament la constitution d'un comité de salut public à la tête duquel est placé le général Salan. L'armée gouverne donc l'Algérie, mais sans en avoir les pouvoirs. Le 15 mai, poussé par le général Massu, Salan fait appel au général de Gaulle.

  • 1er juin 1958 : retour au pouvoir du général de Gaulle et chute de la IVe République

Rappelé officiellement au pouvoir par le président de la République René Coty, le général de Gaulle est investi par l'Assemblée nationale le 1er juin 1958. Le lendemain, il reçoit les pleins pouvoirs et obtient, le 3 juin, le droit de réviser la Constitution.

Adoptée par le Conseil des ministres, le 3 septembre 1958, la constitution de la Ve République est soumise aux Français par référendum le 28 septembre, qui l'approuvent massivement (80 % de oui).

La guerre d'Algérie est le principal problème politique que doit affronter le général de Gaulle à son retour au pouvoir. Le lendemain de son investiture, il se rend à Alger, où il prononce son très ambigu « Je vous ai compris », qui déchaîne l'enthousiasme des foules. Pragmatique, il n'a pas de solutions mais sera amené, face à la lassitude des Français du continent et la pression internationale, à accorder l'indépendance à l'Algérie.

1960

  • 24 janvier 1960 : la « semaine des barricades » à Alger

S'estimant trahis par de Gaulle, dont les discours sont de plus en plus favorables à l'indépendance, les Européens d'Algérie ainsi que quelques officiers, manifestent à Alger, conduits par Pierre Lagaillarde (député d'Alger et ex-parachutiste) et le cafetier Ortiz.

Les activistes tirent sur les gendarmes mobiles et font 14 victimes, avant de se retrancher dans des réduits symboliques pour obliger l'armée à se prononcer contre la politique de De Gaulle. L'opinion métropolitaine condamne cette tentative de putsch et le général de Gaulle parvient à convaincre l'armée de lui rester fidèle. Les émeutiers sont contraints de se rendre. Le fossé entre Français d'Algérie et ceux de la métropole s'accroît encore.

  • mars 1960 : vers l'Algérie algérienne

En septembre 1958, le général propose au FLN la « paix des braves », une simple reddition, qui reste lettre morte.

En septembre 1959, il franchit une étape décisive en reconnaissant à l'Algérie le droit à l'autodétermination, qu'il définit progressivement, en parlant, en 1960, d' « Algérie algérienne » puis de « République algérienne » avant d'aboutir à l'idée d'un « Etat algérien souverain » qui conduira aux accords d'Evian en 1962.

1961

  • 21-22 avril 1961 : le putsch d'Alger

L'alerte est plus sérieuse en avril 1961 lorsque Salan, Challe, Jouhaud et Zeller, quatre généraux, provoquent un putsch à Alger et se préparent à tenter une opération militaire en métropole, considérant que le président de Gaulle abandonne l'Algérie française. Les soldats du contingent refusent cependant de suivre les rebelles et de Gaulle condamne fermement le putsch lors d'une intervention télévisée : « J'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer la route à ces hommes-là ».

Le 25 avril, Challe se rend, tandis que ses trois acolytes prennent le maquis. Désormais, les activistes qui luttent contre l'indépendance se retrouvent dans l'Organisation armée secrète (OAS).

  • 17 octobre 1961 : le massacre des Algériens

Une manifestation non violente, organisée par le FLN, à Paris, donne lieu à une répression sanglante sous la responsabilité du préfet de police Maurice Papon. On dénombre entre 100 et 200 morts.

1962

  • 17 au 18 janvier 1962 : « Nuit bleue »

Les plasticages de l'Organisation armée secrète (OAS) culminent lors de cette nuit à Paris avec 17 attentats.

  • 8 février 1962 : le drame métro Charonne

En réponse aux plasticages des domiciles de plusieurs personnalités par l’OAS, et notamment l’attentat contre André Malraux, le PCF (Parti communiste français) et le PSU (Parti socialiste unifié) appellent à une manifestation. La foule, brutalement chargée par le service d'ordre, s'écrase contre les grilles du métro Charonne. Bilan : 8 morts.

  • 22 août 1962 : l’attentat du Petit-Clamart

Quelques mois après la fin de la guerre d’Algérie, le général de Gaulle échappe de justesse à un attentat perpétré par l'OAS au Petit-Clamart.

Les accords d'Evian sont signés, le 18 mars 1962, entraînant le cessez-le-feu dès le lendemain avant d'être approuvés massivement par les Français, le 8 avril 1962 (90 % de oui au référendum) puis soumis aux Algériens (1er juillet 1962). La France reconnaît la souveraineté de l'Etat algérien, mais conserve un statut privilégié, notamment sur le Sahara et ses ressources pétrolières et en conservant sa base militaire de Mers-el-Kébir.

  • 5 juillet 1962 : l'Algérie est indépendante

Le 5 juillet 1962, l'indépendance de l'Algérie, votée le 1er Juillet par référendum dans le cadre des accords d’Evian et reconnue par la France le 3 juillet, est officiellement proclamée. 

En contrepartie, la France s'engage à aider économiquement l'Algérie en continuant de réaliser le plan de Constantine de 1958 (attributions de terres, construction de logements, scolarisation, etc.). Dans les textes, les Européens d'Algérie (« pieds-noirs ») ont trois ans pour choisir entre la nationalité française ou algérienne. Mais, malgré la fin de la guerre, les violences perpétrées par l'OAS ‒ attentats, politique de terre brûlée ‒ séparent définitivement les communautés musulmane et européenne. C'est dans la panique que les Français quittent l'Algérie pour la France (200 000 Européens de mars à mai). Le jour de l'indépendance même, à Oran, deuxième ville d’Algérie, des centaines de pieds-noirs sont tués par la foule.

Les harkis (musulmans ayant combattu auprès des Français), laissés pour compte, sont la cible de violentes représailles. L'Algérie, fraîchement indépendante, est en proie aux divisions. Le 25 septembre 1962, Ferhat Abbas, affaibli, proclame toutefois la République algérienne démocratique et populaire. Ahmed Ben Bella en est élu le premier président de la République, le 15 septembre 1963.

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